Promotional article for Redondanses, new venture for classical ballet events in Paris set up in 2014 by Marie-Josée Redont, former soloist Paris Opera ballet
Promotional article for Redondanses, new venture
What is meant by the term “Cecchetti School”?
Au Théâtre Maryinskii, en raison des progrès indéniables de chacun de ses élèves, Enrico Cecchetti a finalement été nommé professeur de la Classe dite « de Perfection », c’est à dire la classe des grands solistes désormais légendaires, tels Tamar Karsavina, Fokine, Nijinski ou Preobrajenskaya …
Ainsi que consignée dans le célèbre volume de Stanislas Idzikowski et Cyril Beaumont publié à Londres en 1922, sa Méthode n’est pas destinée, loin s’en faut, à des débutants, quoique Cecchetti a, tout au long de sa carrière en Russie, enseigné à des enfants voire même à des amateurs de l’aristocratie pétersbourgeoise.
Ensuite, et c’est une distinction de taille, Enrico Cecchetti enseignait selon une Méthode plutôt qu’un système figé. C’est-à-dire que chaque Jour de la Semaine est conçu par rapport à des principes très précis. C’est l’apprentissage du principe technique qui est au cœur de sa pensée, et non l’exercice en tant que tel. (Et contrairement à ce que l’on entend souvent, Cecchetti modifiait les exercices selon le danseur qu’il avait en face).
Développés au fil des Jours de la Semaine, les principes sont ceux-ci : aplomb, épaulement, en-dehors, transfert de poids, le plan aérien, ballon.
Organisés, donc, en Jours de la Semaine, les exercices rendent intelligibles chacun des principes, englobant tous les pas et toutes les qualités de mouvement imaginables, se suivant dans une logique inéluctable.
Cecchetti a conçu sa Semaine pour que le danseur soit en mesure d’affronter n’importe quelle difficulté, tant dans le travail de l’al
legro (d’une époustouflante rapidité), que dans l’adagio. Tantôt exaltés, tantôt empreint de lyrisme ou d’introspection, son travail d’adagio exige un contrôle quasi surhumain.
Source : http://www.ft.com/cms/s/2/42096638-c06a-11df-8a81-00144feab49a.html#slide11
La qualité chorégraphique des enchaînements de Cecchetti est telle que notre chorégraphe majeur, Frederick Ashton, en a tiré sa principale source d’inspiration.
Where did that School first develop?
L’Ecole dite « italienne » est née au milieu du 19ème siècle. Il s’agit d’un aggiornamento, d’une mise à jour, de l’école française alors prééminente qui en Italie s’est alors combinée à la tradition de coreodramma, où une très large place était accordée à la pantomime.
Depuis le 16ème siècle, les relations entre la danse italienne et la française, sont plus qu’étroites, un va-et-vient incessant d’idées, de pas et d’artistes. Si la terminologie utilisée dans le monde entier est française, et non italienne, c’est que la France a su en codifier les notions. Et c’est en France au cours du 18ème siècle que le système d’enseignement, très poussé, a donné naissance à un art dont l’élégance l’en disputait à la virtuosité. Une nouvelle branche indépendante de l’art théâtral était née : ce que nous appelons le « ballet ».
Cecchetti avait été formé par ses parents, avant de se perfectionner à Florence en 1866 auprès d’un disciple de Carlo Blasis (lui-même disciple de Dauberval et de Gardel) : Giovanni Lepri. Sur ce dernier on sait, dans l’état actuel de la recherche en danse, peu de chose. .
Très jeune, Cecchetti s’est vu acclamé dans toute la péninsule, grâce à sa virtuosité technique doublée d’un art de la pantomime d’une conviction nonpareille.
Petit aparté : A partir de 1865 environ, les danseuses italiennes se sont taillées, elles aussi, une renommée internationale, grâce en partie aux progrès faits en Italie dans la fabrication du chausson de pointes. Plus durs, ces chaussons ont permis une technique féminine de bravoure. La technique italienne de la pointe est fort différente de celle quasi-universellement enseignée de nos jours. Il s’agit du sbalzo, le petit saut par lequel la danseuse place la pointe directement sous l’axe du corps. Les avantages biomécaniques du sbalzo sont multiples – nous le verrons lors du stage Redondanse.
Tout cela fit grand bruit, et les danseurs italiens, dont Enrico Cecchetti, étaient les invités d’honneur dans tous les théâtres d’Europe occidentale et de Russie. Comme Pierina Legnani et Virginia Zucchi, Cecchetti s’est vu engager au Théâtre Maryinskii. A la première de La Belle au Bois Dormant (1890), dans une seule et même soirée, il fit sensation en Carabosse et en Oiseau Bleu !
C’est aussi à ce moment-là que Cecchetti a lancé sa carrière d’enseignant. Son premier tableau d’Enchaînements date de Saint-Pétersbourg, en 1894. Voilà déjà en germe, les Jours de la Semaine.
What technical characteristics are peculiar to it?
La leçon s’ouvre avec une barre courte, simple et surtout parfaitement transparente : l’absence voulue de fioritures ou de ports de bras compliqués élimine toute tricherie. La répétition de ces exercices tous les jours donne force et pureté et gomme les maniérismes, source de défauts.
Dans toutes les Leçons sans exception, le milieu débute par une série de ports de bras qui développent la coordination neuromusculaire, et par leurs directions d’une clarté cristalline, une perception très fine de l’espace et du jeu d’ombre et de lumière.
Puis viennent des exercices au milieu calqués sur ceux de la barre, destinés à stabiliser la ligne d’aplomb et à prêter un raffinement aux mouvements de base.
Source : http://leschaussonsverts.eklablog.com/serge-lifar-1905-1986-d-ombre-et-de-lumiere-a2222578
La prochaine étape comprend de grands adages et des enchaînements de pirouettes et de pas d’allegro ; la majorité fait appel à une adresse, un niveau technique et artistique hors du commun.
Sauf à comprendre les principes physiques sur lesquels les Jours de la Semaine se fondent, on serait facilement tenté de les balayer d’un revers de la main en soupirant « De nos jours, trop ardus voire impossibles à faire ».
La vérité est autre : une fois intégrés les principes, c’est une très grande joie que de les danser et de les perfectionner.
Source : http://www.coreofculture.org/uploads/6/0/3/8/6038246/4916746_orig.jpg
Soulignons qu’en dépit de sa bravoure manifeste, la Méthode de Cecchetti ne néglige à aucun moment les règles des arts classiques, que ce soit dans la technique ou dans la forme (la « plastique »). Si certains aspects de sa Méthode peuvent nous frapper aujourd’hui comme presque sauvagement « contemporains », tels les grands cambrés ou le déséquilibre (« abandon ») qu’il recherche dans les renversés, c’est la rigueur de forme qu’exige Cecchetti qui encadre ces mouvements et rend possible leur exécution.
Autres traits de la Méthode : l’épaulement incorporé à chaque mouvement, l’utilisation discrète des bras dans les pas d’allegro (souvent en bras bas) ; le chatoiement de nuances prêtées aux pas d’allegro, allant d’une danse terre à terre brillante du XVIIIème siècle au grand allegro virtuose, en passant par des pas de ballon singulièrement Bournonvilliens.
Cecchetti se plaît cependant à y incorporer des éléments techniques ardus, en explorant notamment des plans spatiaux (haut, moyen, au ras du sol) quasiment inexistants dans d’autres écoles classiques.
Pour résumer, le dirai que la clef de voûte de la Méthode est la coordination qui va du haut vers le bas : la tête, le torse, les bras, les jambes.
Source : http://www.augustevestris.fr/IMG/jpg/Nuits_Blanches_Cecchetti_04.jpg
What are the major differences, relative to the French school? Are there similarities?
A mon avis, la différence principale serait de style, plutôt que de technique, puisque l’école italienne est à l’origine, française.
Pour ce que je connais de l’école française, c’est-à-dire les cours que j’ai pu regarder et qui sont le reflet de maîtres tels que Ricaux ou Aveline (par exemple ceux donnés dans le cadre des Nuits Blanches du Centre de danse du Marais), plutôt que des cours manifestement traversés par une forte influence externe, l’école française exige un travail du bas de jambe plus raffiné, ainsi qu’un port de tête et une posture d’une particulière élégance. Gustave Ricaux, trop méconnu, semble avoir été le Cecchetti français …
Source : http://www.augustevestris.fr/IMG/jpg/Nuits_Blanches_Ricaux_01.jpg
Par ailleurs, les Français « entendent » la musique de manière différente, et sont aussi plus préoccupés par la beauté du physique… Peut-être acceptent-ils plus facilement aussi, des étirements et des écarts qui feraient désordre dans l’école Cecchetti !
Néanmoins, lors des démonstrations de l’Ecole de l’Opéra et dans les Conservatoires, il est fort agréable de découvrir tant de points en commun entre nos écoles, dans le travail de petite batterie, dans l’enchevêtrement de pas et de dynamiques bien différenciés, pratiquement disparus au sein d’institutions se réclamant de Madame Vaganova.
For a student trained up in the French school, what will Cecchetti’s Méthode bring him?
Un défi ! La joie de danser ! L’inattendu ! La valeur artistique des enchaînements de Cecchetti est indiscutable, grâce à leur grande diversité et leur palette dynamique si originale. J’ose à espérer que les élèves y prendront beaucoup de plaisir. D’ailleurs tous les danseurs y compris les grands professionnels, ne pourront que bénéficier de la Méthode, car elle encourage une réflexion à la fois sur les fondements de la technique et sur son expressivité intrinsèque. Pour Cecchetti, la danse classique reste un art de théâtre plutôt qu’une pratique en studio.
What aspects do you intend to deal with during this particular course?
J’ai l’intention de faire travailler les ports de bras et l’engagement du dos, clef de voûte du mouvement. C’est le jeu dynamique des oppositions qui grâce à l’épaulement, fait « tenir » les formes (la plastique) et les fait s’enchaîner de manière harmonieuse. Le danseur qui ignore l’aspect avant tout fonctionnel de l’épaulement se voit contraint d’appliquer une force et une énergie inutiles. Prisonnier des difficultés, il se débat, sa danse paraît artificielle et forcée – tout le contraire du classicisme !
Après le cours, j’expliquerai peut-être les Principes qui sous-tendent les Jours de la Semaine.
Il se fait que le « comment ça marche ? », de la Méthode Cecchetti m’est venu en coup de tonnerre il y a quelques années, en pleine discussion avec des amis. J’ai d’ailleurs écrit plusieurs articles là-dessus (voir par exemple http://www.augustevestris.fr/article139.html). Penser consciemment à ces principes, les intégrer à la journée de travail, permettra déjà de faire avancer notre danse – quelle que soit l’école d’origine.
En 2014, j’ai décidé de créer un site Web, www.The CecchettiConnection.com ainsi qu’une chaîne Youtube de même nom, afin de réunir des articles de plusieurs sources et auteurs, des vidéos etc. sur la Méthode Cecchetti, le tout d’un point de vue nouveau.
Il m’a également semblé utile de tourner un documentaire sur les principes. Ainsi, à Londres, en août 2014, la première partie a été tournée avec le soutien de la Société Auguste Vestris ; il s’agit d’enchaînements choisis parmi ceux présentés pour l’Enrico Cecchetti Diploma. Ils sont dansés par Muriel Valtat, ancienne soliste du Royal Ballet, aujourd’hui professeur à l’Ecole supérieure de ballet du Québec. En effet, Muriel s’est mise à étudier la Méthode Cecchetti avec une véritable passion, et a bien voulu faire le voyage depuis Montréal pour tourner le film avec nous.
Cet été, en Italie, nous tournerons la deuxième partie avec les enchaînements pour homme, dansés par un professionnel italien. Si vos lecteurs souhaitent contribuer à la sortie du documentaire, je les y encourage :
Why did you choose the “Blue Bird” variations?”
Nous venons de voir que Petipa a créé le rôle de l’Oiseau Bleu pour un virtuose de l’allegro, en l’occurrence, Enrico Cecchetti ! Quant à la Princesse Florine, voilà une délicieuse variation de demi-caractère ; la gestuelle est très marquée, ainsi que l’épaulement. La variation met en jeu également le sbalzo caractéristique du travail de pointe italien.
Toujours là où l’on ne l’attendait pas, Enrico Cecchetti était un véritable volcan ! Donc, des surprises attendent les élèves à Redondanse pour la fin de semaine prochaine !
En tout dernier lieu, vos lecteurs auront l’indulgence de me permettre de rendre hommage ici à l’un des deux maîtres – l’autre étant Richard Glasstone – qui a le plus compté pour moi : Roger Tully, auteur du manuel « The Song sings the Bird » (Prémices du Geste Dansant). Roger a donné son dernier cours à Bedford Gardens ce jour même où je vous parle. D’une grande originalité, son enseignement m’a permis de reconnaître qu’écarter toute force superflue est la notion essentielle chez Cecchetti.
Julie Cronshaw, Londres, le 11 février 2015
Translated and edited by Katharine Kanter.